Les casernements bétonnés
Les locaux d’habitation des parties bétonnées comprennent des chambrées pour les hommes, les officiers et les sous-officiers avec les accessoires obligés du logement, lampisterie, cuisine, latrines, citerne et puits. Mais, contrairement aux anciens casernements qui pouvaient recevoir la totalité de la garnison, ces locaux à l’épreuve entrainent une dépense considérable. Ils sont très souvent prévus avant 1900 pour 1/3 de la garnison ou dans de rares ouvrages comme aux forts de Manonviller, du Bourdiau, de Douaumont ou de Vaux pour 2/3 de l’effectif. Après 1900, la capacité des casernements bétonnés augmentera dans un grand nombre d’ouvrages.
Dans les ouvrages modernisés qui conserverons des casernements en maçonnerie, les casernements bétonnés ne seront utilisés qu’en temps de guerre, car ils sont moins agréables et lumineux. Ils seront appelés locaux du temps de guerre et les casernements en maçonnerie locaux du temps de paix.
Les différentes entrées des locaux bétonnés, qui donnaient à l’extérieur, étaient fermées par des grilles protégées par des madriers et des sacs de sable qui devaient résister au souffle et aux éclats d’obus. Dans certains ouvrages, ces grilles seront remplacées par des portes blindée métalliques.
La ventilation des locaux
La ventilation des locaux du casernement est une question qui a préoccupé au plus haut point les ingénieurs militaires.
Cette ventilation des casernements bétonnés était naturelle dans le même principe que les casernements en maçonnerie. Mais les casernements bétonnés possèdent moins d’ouvertures que ceux en maçonnerie. La ventilation est assurée au moyen de cheminée dans laquelle on installe un foyer, ce système permet de faire circuler l’air depuis la façade par de petites ouvertures ou des conduites en fonte. Ces ouvertures sont aménagées en hauteur pour éviter au souffle ou aux éclats d’obus de rentrer. Elles sont obstruées à la mobilisation avec des rails de chemin de fer ou protégées par des volets blindés anti souffle. Malgré les ouvertures, la ventilation de ces locaux se révèlera souvent être insuffisante. Elle sera dans la majorité des ouvrages complétée par des ventilateurs centrifuges qui envoient directement l’air nécessaire dans les locaux. Ces ventilateurs peuvent fonctionner manuellement à bras, ou par un moteur à pétrole, ou électrique. Ils sont conçus pour être silencieux.
Quel que soit le système de ventilation employé, il faut des prises d’air pur et des ouvertures pour le dégagement de l’air vicié.
On a quelquefois fait déboucher des tuyaux à travers les voûtes ou dalles en béton. Cette pratique est souvent évitée car, les ouvertures ainsi pratiquées sont difficiles à maintenir ouvertes pendant les bombardements, la moindre projection de terre suffit pour les obstruer.
Afin d’éviter de capturer l’air vicié, chargé de gaz toxique, d’un violent bombardement, il était prévu d’aller chercher de l’air pur à l’extérieur des forts au moyen de canalisations profondément enterrées. Mais ce système couteux ne sera pas installé dans les forts à la veille de la Grande Guerre.
L’éclairage
L’éclairage des locaux s’effectuait avec des quinquets à huile suspendus aux voûtes. Ces lanternes se connectaient à des cheminées en zinc qui évacuaient les gaz de combustion à l’extérieur, afin d’éviter de vicier l’air des pièces. Les couloirs et les escaliers, ventilés naturellement, étaient éclairés avec des cages à applique.
Le chauffage des locaux
Le chauffage des locaux est assuré au moyen de poêle à feu continu à double enveloppe. La fumée est généralement évacuée par la façade au moyen de tuyaux disposés comme ceux employés pour l’air vicié.
Les couloirs de ces casernements sont souvent aménagés en abris de rempart, on y trouvaient des bancs rabattables de 40 cm de large qui permettaient aux hommes de piquet de se reposer, ainsi que des étages pour leurs affaires personnelles de combats.
Dans certains ouvrages après 1890, on trouvait une usine électrique qui produisait de l’électricité pour assurer l’éclairage et la ventilation des locaux.
Emplacement des casernements bétonnés dans les ouvrages
On place dans les forts les locaux du casernement sous le parapet de gorge, sous un massif central, ou sous le parapet de tête.
- Placé sous le parapet de gorge, le casernement est en général bien protégé, il possède facilement l’air et la lumière provenant du fossé de gorge.
- Placé sous un massif central, le casernement aura l’inconvénient d’augmenter la profondeur et par la suite la vulnérabilité du fort.
- Sous le parapet de tête, un casernement à l’inconvénient ou bien d’exiger un fort relief ou bien d’être profondément enterré. Il prend la place des abris de rempart.
Aménagement du casernement
Il n’existe aucun type de casernement réglementaire. Les casernements bétonnés sont aménagés de manière à prendre le plus possible les considérations suivantes:
- 1° Séparer la chambre du commandant d’Armes des casemates d’hommes, de manière à ce qu’il ne se laisse pas influencer par la vue d’hommes exténués de fatigue.
- 2° Séparer dans la caserne les casemates destinées aux hommes au repos complet et les locaux affectés aux hommes de piquet pour les corvées et les travaux.
- 3° Placer les chambres d’hommes assez près des sorties de la caserne, de manière que la garnison toute entière puisse se porter à ses postes de combat si cela est nécessaire.
- 4° Combiner les locaux de manière que les différents mouvements ( changement de tour de service, distribution, etc.) puissent se faire avec ordre.
Les chambrées de troupe
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Afin de réduire la surface des chambrées du casernement bétonné, on a renoncé à utiliser le lit à 4 places séparé par des ruelles et on adopte des lits de camp continus à un ou deux étages, dans lesquels les hommes n’ont plus de place attribuée. Ces lits sont formés de bâtis en fer supportant des planches sur lesquelles s’allongent les hommes. Avant 1897, chaque lit mesure 2m40 maximum de haut et 2 m de longueur, un homme y occupe un espace de 0,66 m de large. La contenance du lit est de 3 hommes par étage qui plaçaient leurs affaires personnelles sur une planche à bagages fixée à la tête de lit. Après cette date, les lits à plus grande capacité seront installés dans les ouvrages en béton armée, ils occuperont la totalité de la longueur de la pièce.
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Les chambrées des sous-officiers.
Les sous-officiers sont logés de la même manière que les hommes de troupe. On calcule seulement la contenance de leurs chambres un peu plus largement.
Les chambrées des officiers.
En principe, tous les officiers sont logés en commun, ils sont installés sur des lits d’hommes de troupe placés à 1m, les uns des autres. Dans un recoin de la casemate, on place une table pour pouvoir écrire.
Généralement, on réserve au Commandant du fort et au Commandant de l’artillerie une petite chambre particulière. Celle du Commandant d’artillerie est placée près du bureau télégraphique du réseau du tir.
La cuisine et les magasins aux vivres
Chaque casernement bétonné comprend généralement, une cuisine et à côté d’elle, un petit magasin aux vivres pour les approvisionnements du jour. On trouve souvent dans les couloirs, qui entourent la cuisine, des tables à rabattement permettant de préparer et de distribuer rapidement les gamelles aux heures des repas. Cette cuisine possède les mêmes types de fourneaux que les cuisines installés dans les casernements non modernisés.
Généralement, à proximité de la cuisine, se trouve un petit magasin contenant les subsistances, ayant un approvisionnement en vivres pour au moins un mois. Ces vivres sont mis en place dès le temps de paix, par le service de l’Intendance, à qui ce local est remis.
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La manutention
Seuls quelques forts seront équipés de manutention dans les casernements bétonnés. Ces boulangeries seront équipées du même type de four à pain que l’on trouvait dans les manutentions des forts non modernisés.
L’alimentation en eau
L’alimentation en eau des locaux bétonnés est assurée soit au moyen de puits, soit au moyen de citernes.
Dans le premier cas, le puits est installé à l’intérieur d’un local bétonné. On y place une ou deux pompes. Ces pompes envoient l’eau dans un réservoir métallique posé à une certaine hauteur dans un local à l’épreuve. De là, l’eau est distribuée aux cuisines et à quelques postes placés à portée des hommes dans les couloirs de la caserne.
Quand il n’est pas possible de creuser de puits, on a recours à des citernes.
La construction de celles-ci est assez délicate, car l’enduit qui les rend étanches est susceptible de se fendiller sous les vibrations causées par le choc des projectiles. Ces citernes sont alors constituées au moyen de cuves en béton armé reposant sur un matelas en sable ou similaire. Elles sont placées à l’intérieur d’une construction en béton ou en maçonnerie ordinaire mise à l’abri des affouillements des obus torpilles . Le plus souvent, elles sont placées sous les casemates du casernement. Ces citernes sont remises dès le temps de paix au service de l’Intendance qui les maintenaient toujours pleines. Elles sont alimentées par l’eau que l’on recueille sur les chapes ou dans des sources Rouby. A défaut de ces moyens, elles sont remplies dans les quatre places de l’est au moyen de wagons-citernes qui vont chercher l’eau en dehors du fort.
L’eau provenant des chapes ou des sources Rouby passe dans des bassins de décantation. Mais en cas de combat, des dispositions spéciales sont prévues pour que l’eau provenant de ces moyens, ne puisse plus alimenter les citernes. Ces eaux sont en effet rendues totalement imbuvables par l’éclatement dans les terres des obus torpilles. Les organes destinés à arrêter ces eaux sont conçus pour être robustes, car ils doivent être fonctionnels au moment du besoin, malgré l’abandon dans lequel on les aura laissés pendant de longues années. Pour plus de sécurité, les vannes, robinets ou objets analogues sont proscrits. L’alimentation en eau est alors coupée au moyen de tampons de terre grasse ou de ciment prompt.
Les latrines
Dans les fort modernisés, les latrines se situent le plus souvent dans les casernements bétonnés ou près des blocs de combats. Elles exigent des précautions particulières car, on ne peut employer dans les forts, ni le système Goux qui exige de trop grand transport, ni le système du tout à l’égout qui serait rapidement bouleversé par les obus torpilles. Afin de pallier à ce problème, on a recours aux fosses fixes, dont la capacité théorique est de 1m3 par homme et pour un siège de 80 ou 100 hommes. Ces fosses sont le plus souvent ventilées avec une cheminée de ventilation spécifiques. Cette évacuation est souvent complétée par un ventilateur aspirant, afin d’éviter que les mauvaises odeurs ne se répendent dans les autres locaux à proximité.
Les casernements sous-roc ou abri caverne des forts
Lorsqu’on se trouve en terrain rocheux, on constitue d’une manière économique des locaux à l’épreuve en s’enfonçant suffisamment sous le sol. L’épaisseur protectrice doit être au moins de 5 à 6 mètres dans le roc franc. Partout où l’on n’a pas cette épaisseur, on a toujours recours à une carapace de béton. Ces locaux appelés abris cavernes sont généralement construits dans les intervalles des places fortes. Ils seront construits juste après la crise de l’obus torpille, jusqu’en 1895, dans quelques ouvrages où la configuration du terrain le permet. Ils possèdent les mêmes types de locaux que les casernements bétonnés, chambrées troupes, chambrées officiers, cuisine, latrines, citerne, etc.… Ces casernements sont construits dans l’ouvrage ou à proximité immédiate du fort, ils sont reliés ou non par une galerie de communications à l’épreuve.
La largeur des casemates de ces abris peut atteindre 6m, mais elle mesure généralement 5m. Entre 2 locaux consécutifs, on ménage un merlan de roc d’au moins 4m.
Afin de masquer le roc, on aménage presque toujours un revêtement à l’intérieur de ces locaux, de manière à régulariser la forme du rocher et à empêcher son délitement sous l’action de l’air.
Les locaux souterrains sont en général exposés à l’humidité provenant, soit des eaux d’infiltration, soit des eaux de condensation. On combat les premières au moyen de drainage et d’un système d’égout. On se garantit des secondes par divers procédés : parapluies en zinc, constitution d’une double enveloppe en briques, etc. Dans ce dernier procédé, on prend des dispositions pour que, l’été, l’air avant d’arriver dans les locaux passe d’abord dans la double enveloppe où règne une température assez basse et où il se dépouille de son humidité.
Ces locaux sont utilisés uniquement en temps de guerre.
Casernement ou abris sous-roc installés dans les forts
Place forte et ouvrage | Type de casernement sous roc |
Fort de Souville Verdun | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort Saint Michel Toul | Abri caverne aménagé à l’intérieur du fort & 2 abris à l’extérieur |
Réduit du Bois d’Arches Epinal | Casernement intérieur sous roc construit en même temps que l’ouvrage |
Fort de Giromagny Belfort | 2 abris cavernes contruit à l’intérieur du fort |
Fort du Mont-Vaudois Belfort | Abri caverne amenagé à l’intérieur du fort |
Fort de Roppe Belfort | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Batterie Rolland Besançon | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort de Chatillon Besançon | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort de Fontain Besançon | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort de Planoise Besançon | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort de Pugey Besançon | Casernement intérieur sous roc construit en même temps que l’ouvrage |
Fort de la Tête de Chien Nice | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort de la Revère Nice | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort de la Drette Nice | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort du Mont Chauve d’Aspremont Nice | Abri caverne amenagé à l’extérieur du fort |
Fort du Mont Chauve de Tourette Nice | Casernement intérieur sous roc construit en même temps que l’ouvrage |
Fort du Mont Agel Nice | Casernement intérieur sous roc construit en même temps que l’ouvrage |
VAUBOURG Cédric
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