Les communications électriques
Dès leurs constructions, les ouvrages sont reliés au réseau de communication électrique, qui comprend le réseau de télégraphie électrique et le réseau de téléphonie. Ces réseaux vont évoluer jusqu’à la Grande Guerre, afin de communiquer avec les ouvrages voisins, les postes avancés et le centre de commandement des places fortes.
Dans les ouvrages, le poste de télégraphie se situe dans le bâtiment d’entrée du fort ou dans le casernement à proximité de la chambre du Commandant du fort.
Il est souvent équipé en 1914, d’un téléphone, d’un microphone système Ader et d’un morse de campagne modèle 1907, utilisés par un ou plusieurs sapeurs télégraphistes. Ces communications sont assurées en fonction de l’organisation des réseaux électriques, vers les autres postes grâce à des fils électriques.
DESCRIPTION ET INSTRUCTION SUR L’ORGANISATION DES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES DANS LES PLACES FORTES.
En dehors du réseau des renseignements, les communications électriques militaires des places fortes, à l’exception de celles des fronts de mer, des ports de guerre et des places maritimes sont réparties en quatre catégories :
- I. Réseau du commandement.
- II. Réseau du tir.
- III Réseau de casernement.
- IV Réseaux d’intérêt particulier.
Les deux premières catégories correspondent à la mise en œuvre de l’organisation défensive. Les deux dernières répondent aux besoins du service journalier, les lignes qui en font partie sont d’ailleurs utilisées en temps de guerre simultanément avec les précédentes.
I. RÉSEAU DU COMMANDEMENT.
Le réseau du commandement est destiné à assurer, en temps de guerre, les communications électriques des différents organes du commandement (Gouverneurs et Commandants de secteurs) entre eux et avec les Commandants des différents éléments placés sous leurs ordres. Sa construction, son entretien et son fonctionnement sont assurés, par le service du Génie.
Les communications définies ci-dessous sont assurées par un poste central unique, installé à proximité de l’emplacement où doit se tenir le Gouverneur en temps de guerre et muni d’appareils d’intercommunication. Ce poste est relié au réseau civil, aux centres de secteurs et à tous les ouvrages et positions de défense. Il assure la transmission rapide des communications destinées à chacun d’eux.
Cette organisation est complétée, si les ressources budgétaires le permettent, en reliant directement les centres de secteurs aux ouvrages les plus importants du secteur. Dans ce cas, les communications directes pourront être établies, soit entre deux forts ou ouvrages voisins, soit entre l’un d’eux et le réseau civil.
Les communications électriques qui font partie du réseau du Commandement comportent toujours, en principe, l’emploi d’appareils télégraphiques. En fonction des instructions du Ministre, elles peuvent aussi comporter, l’emploi d’appareil téléphoniques, dans ce dernier cas, les lignes électriques seront organisées de façon à éviter les effets d’induction.
Les principales communications électriques qui entrent dans la constitution du réseau du commandement d’une place forte, organisé comme il est décrit ci-dessus, sont les suivantes :
- 1 Bureau civil des télégraphes. Central militaire (Liaison exclusivement télégraphique).
- 2 Central militaire avec le poste central du commandement (locaux occupés par le Gouverneur à la mobilisation) à moins que ces deux points ne soient très voisins.
- 3 Central militaire avec le Commandant de l’Artillerie de la place (si celui-ci n’est pas installé à proximité immédiate du Gouverneur).
- 4 Central militaire avec le poste central du réseau de casernement .
- 5 Central militaire avec les emplacements des Commandants de secteurs.
- 6 Central militaire avec les ouvrages et positions de défense.
Lorsque les points auxquels aboutissent les différentes communications sont situés dans la même région de la place, on peut faire aménager pour assurer les communications, des lignes bifurquées, si l’intensité du trafic à prévoir en temps de guerre n’est pas trop grande. Les différents postes électriques du réseau du commandement sont installés, dès le temps de paix, à leurs emplacements du temps de guerre, de façon à éviter, en cas de mobilisation, un travail long et délicat qui exige l’emploi d’ouvriers spéciaux et qui interromprait les transmissions au moment où leur intensité et leur utilité sont les plus grandes.
II. RESEAU DE TIR
Le réseau du tir est construit et entretenu aux frais du service de l’Artillerie, et desservi par le personnel de cette arme. Il comprend :
a) Les communications télégraphiques et téléphoniques :
- Du Commandant de l’Artillerie de la place avec les Commandants de l’Artillerie des secteurs et avec le directeur du parc.
b) Les communications téléphoniques :
- Des Commandants de l’Artillerie des secteurs avec chacun de leurs Commandants de groupe, les magasins de secteur, les forts des secteurs ayant un armement important en pièces de gros calibre et avec les différents observatoires de secteur.
- Entre les Commandants de l’Artillerie des secteurs limitrophes.
- Des Commandants de groupe avec leurs batteries, leurs dépôts intermédiaires et avec les forts du groupe n’ayant qu’un petit nombre de pièces de gros calibre.
- Du Directeur du parc avec les magasins et avec les ateliers.
Toutes les communications sont directes et indépendantes, certaines d’entre elles pourront être supprimées lorsque la communication peut se faire à la voix ou par tuyau acoustique.
III. RÉSEAU DE CASERNEMENT.
Le réseau de casernement est un réseau d’intérêt général destiné à assurer, principalement en temps de paix, les communications électriques entre les bureaux de la place, les casernes des différents corps de troupe et les Chefs des différents services (Etat-Major, Artillerie, Génie, Intendance, etc.) dans les conditions jugées utiles. Sa construction et son entretien sont assurés par le service du Génie.
Les communications définies ci-dessus sont assurées au moyen d’un poste central unique, voisin des bureaux de la place et aussi rapproché que possible du poste central du réseau du commandement. Ce poste, muni d’appareils d’intercommunication, est relié aux casernes et aux bureaux des Chefs de service, et assure l’établissement des communications directes qui lui sont demandées.
Les communications du réseau de casernement sont téléphoniques. Elles peuvent être organisées au moyen de lignes bifurquées. Il n’est en général, installé qu’un poste électrique pour desservir les différents corps ou services installés dans un même bâtiment ou dans des bâtiments faisant partie du même groupe.
IV. RÉSEAUX D’INTERET PARTICULIER.
Les réseaux d’intérêt particulier comprennent les communications, autres que celles définies ci-dessus, nécessaires pour le service journalier à l’intérieur de chaque service Artillerie, Génie, Intendance, etc. Ils sont construits et entretenus aux frais de chacun des services intéressés, et desservis par le personnel de ces mêmes services. Il n’en est établi que selon les besoins locaux, certains services peuvent ne pas en être dotés.
Service de Artillerie. Le réseau particulier de ce service comprend :
- Un certain nombre de lignes directes pour télégraphe et téléphone reliant les bureaux de l’Artillerie au poste central de commandement du Commandant de l’Artillerie de la place (Ces lignes sont destinées à prolonger, en temps de paix, jusqu’aux bureaux de l’Artillerie, les lignes venant des postes des Commandants de l’Artillerie des secteurs et du poste du Directeur du parc).
- Les lignes pour télégraphe et téléphone relient directement, dans chaque secteur, le poste du Commandant de l’Artillerie du secteur au logement du gardien de batterie le plus voisin.
- Les lignes pour télégraphe et téléphone reliant le logement de chaque gardien de batterie au poste du réseau du tir le plus voisin.
- Les communications télégraphiques ou téléphoniques nécessaires en plus de celles du réseau du tir établies pour le service du parc pour relier les bureaux du Directeur (du Sous-Directeur, du Commandant de l’Artillerie, etc.) avec les ateliers, docks, magasins, poudrières, polygones et, en général, toutes les communications intérieures du service de l’Artillerie.
OBSERVATIONS GÉNÉRALES.
L’organisation complète décrite ci-dessus est susceptible d’être simplifiée dans beaucoup de cas, en fonction des circonstances locales.
En principe, dès que cela est possible, il y avait intérêt à réunir dans un même bâtiment et dans des locaux voisins : le central militaire, les bureaux du Gouverneur (temps de paix et à la mobilisation), les bureaux de la place, le Commandant de l’Artillerie de la place (à la mobilisation). Dans ce bâtiment, les communications étaient dépendantes à chacune de ces autorités. Elles aboutissent dans des locaux distincts parfaitement protégés.
Les lignes électriques militaires sont principalement aériennes. En général, il n’a fait emploi de lignes souterraines qu’à l’entrée des ouvrages ou batteries et dans les parties de la traversée des villes où cette mesure est indispensable.
Afin de réduire les dépenses d’installation, on utilise souvent les mêmes poteaux pour les lignes des divers réseaux, pouvant avoir le même tracé ou des tracés voisins. A cet effet, la réfection ou la construction de nouvelles lignes sont étudiées en conférence entre les différents services locaux.
Afin de compléter ce système, certains ouvrages seront équipés d’appareils de télégraphie optique et de pigeons voyageurs.
La télégraphie sans fil et les stations de télégraphique
Pour communiquer rapidement avec Paris, les quatre grandes places de l’est reçoivent une station radiotélégraphique vers 1910. Elle se compose d’un bâtiment qui abrite une centrale électrique et un poste de contrôle. Les transmissions sont effectuées grâce à 4 antennes de 30 mètres et de 45 mètres de haut qui maintiennent une sorte de grillage métallique qui sert à capter les ondes.
Ces stations pouvaient communiquer avec les places fortes voisines, la capitale par le biais de la tour Eiffel et de certaines villes stratégiques jusqu’à Cherbourg. Elles sont gérées par les régiments de transmission des places fortes et elles sont reliées par télégraphie électrique au central civil et militaire de chaque places fortes.
En 1913, des projets non réalisés, prévoyaient de renforcer les locaux des stations télégraphique, pour les protéger des bombardements et d’installer de petites stations, dans les forts isolés, comme celui de Manonviller, dans la Trouée de Charmes.
Les communications optiques et les postes optiques
A partir de 1844, on développe progressivement la télégraphie électrique qui commencera à être installée dès 1874 dans les nouveaux ouvrages construits du système Séré de Rivières. Mais, dans les forts les plus exposés ou dans les forts isolés, cette communication peut être interceptée ou coupée en cas d’encerclement de l’ouvrage.
Pour pallier à ce problème, on équipe les forts de 2 moyens de communications supplémentaires qui sont le pigeon voyageur et la télégraphie optique.
Le pigeon voyageur est moins sensible aux aléas climatiques, mais le message qu’il transporte peut être intercepté en cas de capture ou d’abattage du pigeon, tandis que la télégraphie optique ne pouvant pas fonctionner par mauvais temps est non visible aux yeux de l’ennemi tant qu’il n’a pas réussit à prendre position de l’emplacement récepteur.
Ce moyen de communication permet de communiquer à une vitesse de 70 mots en 20 minutes sur de grandes distances, avec une grande partie des ouvrages, depuis des postes fixes appelés postes optiques. Ces postes sont des pièces voutées en maçonnerie dont l’accès est réservé aux télégraphistes, ils sont équipés d’un appareil de forteresse, d’une ou de plusieurs gaines de transition placées dans une direction précise vers le lieu où l’on souhaite communiquer. Ils possèdent aussi un héliostat mécanique placé au dessus du poste, qui renvoie la lumière du soleil dans un petit puits de lumière vers l’appareil. Mais, en cas d’absence de lumière naturelle, l’appareil optique peut fonctionner grâce à une lampe à pétrole ou à acétylène.
En 1914, il existe 2 types de poste optique, les postes à l’intérieur d’un ouvrage et les postes extérieurs qui sont souvent des petits baraquements adaptés qui assurent la liaison entre deux ouvrages où la communication ne pouvait pas se faire à cause du relief du secteur. Dans les forts modernisés, certains postes optiques seront renforcés pour les rendre à l’épreuve des nouveaux obus.
Les ouvrages ne possédant pas de poste optique étaient très souvent équipés d’appareils mobiles de 10 cm de campagne permettant de communiquer avec les forts voisins depuis les dessus de l’ouvrage.
Modèle et calibre des appareils de forteresse | Poids | Portée maximum avec une lampe à pétrole |
Appareil à lentilles Ø 30 cm | 59 kg | 40 à 50 km |
Appareil à lentilles Ø 40 cm | 104 kg | 50 à 70 km |
Appareil à lentilles mobile ou fixe Ø 50 cm | 50 à 70 km | |
Appareil à lentilles mobile ou fixe Ø 60 cm | 268 kg | 60 à 80 km |
Appareil à miroirs télescopique Ø 35 cm | Env. 60 kg | 50 km |
Appareil à miroirs télescopique Ø 45 cm | Env. 100 kg | 70 km |
Appareil à miroirs télescopique Ø 60 cm | Env. 270 kg | 80 km |