Les abris passifs et les casernements en maçonnerie avant 1885

L’entrée du fort du Paillet à Lyon VAUBOURG Cédric

Les abris passifs

En raison de l’occupation permanente des forts et de la concentration de tous les moyens de défense dans ces ouvrages, ceux-ci devaient contenir des locaux et des magasins pour les troupes et les services qui y étaient représentés. Ces locaux sont appelés les abris passifs.  Ils comprenaient les abris-logements, les locaux des services de l’Artillerie et du Génie, ces deux services coopérant avec l’infanterie à la défense de l’ouvrage. Enfin les locaux du service de l’intendance, chargé de subvenir aux besoins matériels des défenseurs et ceux du service de santé.

Tous ces abris, sont surmontés d’un minimum de trois mètres de terre pour être à l’épreuve avant 1885, des plus gros obus en fonte de 21 cm de diamètre pesant près de 80 kg. Ils étaient couverts par des voûtes en maçonnerie ordinaire, de 2m50 à 6 mètres de portée et de 0,80 à 1 mètre d’épaisseur. Les différents abris-passifs étaient mis à l’abri des eaux d’infiltration par le moyen de chapes imperméables en ciment ou en mastic asphaltique pour les parties à faible inclinaison. Ces chapes étaient conçues dans les casernements de manière à évacuer l’eau vers des noues puis vers le mur du fond.

Les abris logements ou casernement

Dans les ouvrages construits de 1874 à 1885, les locaux d’habitation forment un ensemble plus ou moins vaste de casernes souterraines à un ou plusieurs étages. Dans ces casernements, on y trouve les différents locaux de vie de l’ouvrage comme les chambrées et des locaux accessoires du casernement (infirmerie, cuisines, boulangerie, magasins aux provisions, locaux disciplinaires, écuries, corps de garde, magasin de l’artillerie et magasin du Génie) qui occupaient, soit de grandes casemates pouvant être divisées par des cloisons, soit des casemates de culée. Les latrines étaient assez éloignées des locaux d’habitation pour éviter l’infection.

Les chambres de troupe

Plan en coupe d’une chambrée du fort des Ayvelles. Régis Lefranc

Les casemates de troupe se compose d’un ou plusieurs corps de bâtiment ayant une façade sur une cour, les trois autres côtés étant entourés par les terrassements. Les casemates, accolées, étaient réparties sur un, deux ou trois étages, suivant le relief du massif qui les couvrait. Souvent, les pièces de l’étage inférieur, plus basses, servaient de magasins. Elles avaient parfois leur sol en contrebas de la cour un fossé régnait alors devant la façade.

Les chambres de l’étage supérieur avaient 6 mètres de large, et les piédroits, 1 mètre d’épaisseur, en dessous, les piédroits allaient en s’épaississant d’étage en étage. Après 1880, les chambres étaient légèrement moins larges. Les voûtes supérieures étaient surbaissées au 3/4 et avaient 1 mètre d’épaisseur.

Les voûtes intermédiaires étaient plus minces et plus surbaissées, elles pouvaient être remplacées par des travures en fer. Les pièces habitées avaient 4 mètres à 4m50 de hauteur sous clef.

Les chambres prenaient jour et air directement sur la cour, celles du rez-de-chaussée par une porte et deux fenêtres, celles des étages par trois fenêtres. Le mur dans lequel étaient percées ces ouvertures, et qui n’avait à craindre que les éclats de projectiles, avait 50 à 75 cm d’épaisseur.

Plan en coupe d’un casernement en maçonnerie.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification
Plan en coupe d’un casernement en maçonnerie coupe AB.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

Au fond, toutes les casemates étaient réunies par un couloir de 2 mètres de largeur, qui les isolait du mur de fond, épais de 1 mètre. Ce couloir servait de gaine d’assainissement et de communication. Les escaliers réunissant les étages y débouchaient, ainsi que les gaines se rendant aux divers organes du fort.

Plan en coupe d’un casernement en maçonnerie coupe CD.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

Le couloir de fond n’était séparé des casemates que par une simple cloison en briques dont la partie supérieure, correspondant au cintre des voûtes, était vitrée et éclairait le couloir.  L’éclairage de cette galerie était complété en temps de paix par plusieurs puits de lumière, obstrués lors de la mise en défense de l’ouvrage, afin d’empêcher un obus ou des gravats de tomber à l’intérieur.

Une cage à applique dans le couloir derrière les casemate du fort de la Grande Haye à Golbey.
VAUBOURG Cédric

La nuit ou en période de combats, l’éclairage s’effectue dans les couloirs ou les cours des casernements avec des lampes à huile du type cages à applique qui étaient verrouillées au mur sur des crochets ou une planche en bois aménagée.

La galerie en voute continue derrière les chambrées au fort de Bourlémont Trouée de Charmes. L’eclairage naturel du couloir s’effectue depuis les ouvertures dans les cloison en brique.
VAUBOURG Cédric

Ce couloir pouvait être couvert de deux manières différentes : tantôt les grandes voûtes se prolongeaient jusqu’au mur de fond, au-dessus du couloir, les piédroits étant percés pour former une communication continue, tantôt elles s’arrêtaient à l’aplomb de la cloison en briques et le couloir était couvert par une demi-voûte en plein cintre s’appuyant, a une part, sur le mur de fond, et d’autre part sur les tranches des voûtes principales.

La galerie en demi-voute continue derrière les chambrées au fort de Razimont à Epinal L’eclairage naturel du couloir séffectue depuis des puits de lumières et depuis les ouvertures dans les cloison en brique. VAUBOURG Cédric

Latéralement, le corps de casemates pouvait aussi se terminer de deux manières différentes. Quelquefois, les piédroits extrêmes, formant culées, étaient épaissis pour résister à la poussée horizontale des voûtes. Mais une disposition plus judicieuse consistait à équilibrer cette poussée par une série de voûtes accolées, de 4 mètres environ de portée, ayant leurs génératrices perpendiculaires à celles des grandes voûtes et les pénétrant. Les petits locaux ainsi créés servaient pour les accessoires du casernement ou les magasins. Le couloir de fond se retournait pour y donner accès, et les murs extrêmes n’avaient plus que 1 mètre d’épaisseur.

La profondeur des chambres d’hommes était limitée à 18 mètres par la nécessité d’assurer un éclairage convenable au moyen des fenêtres. Pour renvoyer vers le fond des chambres une plus grande quantité de lumière, on a souvent employé, à partir d’une certaine époque, des voûtes s’abaissant légèrement depuis la façade jusqu’au fond. Cette disposition, qui ne pouvait évidemment s’appliquer qu’à l’étage supérieur, avait en outre l’avantage de permettre le règlement des chapes suivant un plan incliné unique. Avant qu’elle fût imaginée, on était forcé de faire une noue au-dessus de chaque piédroit, et ces noues étaient souvent une cause d’infiltrations.

La longueur, généralement adoptée pour les chambres, est de 16m10 correspondant au logement de 52 hommes, elle dépasse rarement 18m30 pour une contenance de 60 hommes

Un lits à 4 places modèle 1876 au fort de Villey le Sec à Toul.
VAUBOURG Julie

Les hommes couchaient sur des lits à deux étages et à quatre places appelés lits modèle 1876, ayant 2m de longueur, 1m50 de largeur et 2m10 de hauteur. Ils étaient disposés sur 2 rangs, adossés aux piédroits et laissant dans l’axe des chambrées une allée de 2m de large. Ces lits étaient séparés par des ruelles de 0,70 m. D’ailleurs, au milieu de la chambrée, un lit est supprimé pour laisser la place à un poêle ordinaire ou un calorifère spécial servant à la fois au chauffage et à la ventilation de la pièce. Grâce à des dispositions ingénieuses qui permettaient une ventilation naturelle de la pièce en chauffant cette dernière. À cette période, les ouvrages ne possédaient pas de réfectoire, les chambrées étaient dans ce cas utilisées comme salles à manger pour la garnison. Les soldats prenaient leur repas sur des tables ou sur les tablettes aménagées au bout de leurs lits. Ils pouvaient aussi stocker quelques provisions sur des tablettes placées en hauteur à l’abri des rongeurs.

Chandelier à ressort avec sa suspension 1879-1884 (Chandelier à bougie) pour l’éclairage des casemates en temps de guerre. Fort de Villey le Sec à Toul. VAUBOURG Cédric

L’éclairage était réalisé au moyen de lampes à réflecteur zénithal, suspendues aux voûtes. En cas de bombardement, toutes les ouvertures étant bouchées, on devait remplacer ces lampes par des bougies, qui viciaient moins l’air. Ces lampes étaient alimentées à l’huile végétale.

Plan en coupe des systèmes de blindage des ouvertures.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

Le blindage des ouvertures évitait au souffle et aux éclats d’obus de se propager à l’intérieur des locaux. Il était assuré au rez-de-chaussée, grâce à des rails de chemin de fer ou des fers à I. Ils pouvaient être disposés horizontalement en s’appuyant par leurs extrémités sur des tasseaux en cornière rivés à d’autres cornières fixées le long des tableaux des baies. Ils affectaient ainsi l’apparence de lames de persiennes tournées vers le haut à l’extérieur. Des systèmes similaires ayant le même principe seront installés en fonction des chefferies de chacun des ouvrages.

Les allemands devant les façades ayant été blindées avec des rail de chemin de fer en juin 1940 au fort de Dogneville à Epinal. Lionel PRACHT

Aux étages pour les forts qui en dispose, une meilleure disposition consistait horizontalement à encastrer des poutrelles en bois de 10 à 12 cm d’équarrissage entre des fers en U scellés sur les tableaux. Une rainure de dégagement permettait de les introduire par la partie supérieure. De plus, on les séparait les unes des autres par des taquets de 2cm d’épaisseur, qui créaient des fentes pour le passage de l’air et de la lumière. Ce système sera installés dans quelques ouvrages au rez-de-chaussés.

Les chambrées pour sous-officiers

Elles sont analogues à celles des hommes de troupe. Elles ont une capacité de quatre à vingt hommes qui dormaient sur des lits superposés de deux places.

Les chambrées pour officiers

Les Officiers, qui souvent étaient logés dans un corps de bâtiment indépendant de la caserne de la troupe, n’avaient pas de chambre individuelle. Ils occupaient une ou plusieurs casemates, cloisonnées de façon à présenter sur le devant un espace libre servant de salle à manger et de salle de réunion, et en arrière une série de cellules contenant chacune un lit. Exception était faite pour le Commandant du fort, qui avait deux pièces : une chambre à coucher et un bureau servant en même temps de poste télégraphique.

Après la crise de l‘obus torpille en 1885, ces chambrées seront souvent utilisées dans les forts modernisés comme hébergement du temps de paix. Dès la mobilisation, elles seront évacuées, et les soldats dirigés dans les locaux à l’épreuve des nouveaux obus.

L’infirmerie

Les soldats dans l’infirmerie du fort de Vaux le 22 novembre 1916 Archives de la BDIC

Dans les fortifications, l’infirmerie, parfois appelée « hôpital », est une partie du casernement spécialement aménagée pour soigner les malades et les blessés. Sa capacité d’accueil est calculée en fonction de la garnison du fort, elle correspond généralement à 13% de l’effectif total. La très grande majorité des forts est équipée d’une infirmerie, sauf dans les places fortes ou certains ouvrages, relativement proches d’un hôpital civil ou militaire. L’infirmerie est souvent placée près du pavillon des officiers, soit dans une aile séparée dans le prolongement du casernement troupe, soit en groupement de plusieurs casemates du casernement lorsqu’on ne dispose pas d’une caserne séparée.

Les infirmeries dans les fortifications sont composées :

  • D’une ou plusieurs chambres pour les malades. Elles sont équipées de plusieurs lits à une place où les patients disposent de plus de place que dans leur chambrée, afin de leur facilité les soins.
  • D’une tisanerie placée dans un petit local spécialement aménagé pour la réalisation des infusions et tisanes.
  • D’une pharmacie aménagée pour le stockage et la préparation des médicaments. On y trouve aussi tout le matériel médical nécessaire. Ce local est très souvent placé à côté de la tisanerie.
  • Dans certains forts, comme à Manonviller, une salle d’opération est aménagée dans l’infirmerie afin d’y réaliser les soins les plus graves.
  • Enfin, dans les ouvrages où les latrines sont éloignées de l’infirmerie, on y trouve souvent des latrines particulières.

La morgue

En dehors de rares ouvrages, il n’y a pas de morgue d’aménagée dans les forts Séré de Rivières. Il était prévu de les enterrer en terrain ordinaire à proximité du fort. Les fonds de fossé devaient servir de cimetière, lorsque par suite du rapprochement de l’ennemi, il deviendrait impossible de s’aventurer même de nuit, sur les glacis. En terrain rocheux, on avait préparé dans la contrescarpe des compartiments destinés à recevoir les corps avec de la chaux et à être ensuite murés avec de la maçonnerie de ciment.

Les écuries

Arrivée d’officiers en attelage à chevaux au fort de l’Infernet à Briançon. Lionel PRACHT

Les écuries des forts sont aménagées dans des casemates à l’épreuve. Elles hébergent des chevaux utilisés pour le transport des officiers qui augmente en fonction des périodes de temps de paix ou de temps de guerre. Pour cela, elles sont équipées de plusieurs mangeoires et auges en pierre de taille destinées à l’alimentation des équidés. À proximité des écuries se trouve un magasin aux fourrages.

Le nombre de chevaux dépend de la garnison du fort, par exemple au fort de Pagny-la-Blanche-Côte dans la Trouée de Charmes, le fort possède une capacité de 618 hommes dont 10 Officiers pour 8 chevaux. Le nombre de chevaux pouvait être plus important, dans certains forts isolés, principalement en montagne. C’est le cas au fort de la Croix de Bretagne, où 5 casemates d’un casernement isolé du fort seront aménagées pour recevoir 40 chevaux destinés aux transports des officiers et du matériel (Pièces d’artillerie, munitions ou provisions).

A partir de 1882, les forts ne recevront plus systématiquement d’écurie.

Les écuries au fort de Vancia à Lyon. VAUBOURG Julie

Les locaux disiplainaires ou prison

Les locaux disciplinaires parfois només locaux de punition ce composent d’une salle de police et de petites celules individuelles. Ils reçoivent les soldats ayant n’ayant pas respectés la discipline ou ayant commis des infractions aux règlements qui ne présentent pas une gravité suffisante pour être déférés aux tribunaux.

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