L’obstacle des forts avant 1885

Les fossés des forts ou l’obstacle entre 1874 et 1885

fossés des forts plan en coupe d’un fossé équipé d’une grille de contrescarpe.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

Le fort Séré de Rivières de forme polygonale est protégé des assauts de l’infanterie ennemie par un obstacle qui est le plus souvent en un fossé sec. Il se compose d’une excavation comprise entre une contrescarpe (mur extérieur du fossé), un fond de fossé et une escarpe (mur intérieur). Sa forme dépend de la nature du terrain. Le tour du fossé est souvent entouré par un chemin couvert ou parapet d’infanterie destiné à rajouter une protection supplémentaire. La défense des fossés est assurée depuis des casemates d’artillerie basses (caponnière, coffre d’escarpe et coffre de contrescarpe) placées dans les angles de l’ouvrage appelés saillants. Mais, dans quelques ouvrages, se trouvant sur une place forte où l’on juge difficile une attaque d’infanterie ennemie sur l’entrée, le fossé de gorge est dépourvu de casemate d’artillerie basse. Dans ce cas, la défense du fossé est assurée depuis la crête d’artillerie.

Presque tous les forts possèdent des fossés, sauf certains ouvrages de montagne jugés difficiles aux assauts de l’infanterie à cause de la configuration du terrain.

Manoeuvre de franchissement des fossés à l’aide de pont-volant au fort de Longchamp à Epinal en 1904 Lionel PRACHT

Constitution de l’obstacle en fonction de la nature du terrain

Terrain rocheux

Si le terrain est rocheux, l’escarpe et la contrescarpe étaient taillées dans le roc, à pente aussi raide que possible et revêtues, si le roc était sujet à se déliter, d’un placage en maçonnerie d’environ 50cm d’épaisseur. En raison de l’impuissance de l’artillerie à faire brèche dans un pareil terrain, on n’avait pas à se préoccuper du défilement de l’escarpe. Un grand nombre de nos forts de l’est et presque tous les forts construits en pays de montagne sont dans ce cas.

Les fossés taillés dans le roc du fort de la Mouche en construction en 1879.
Archives Départementales des Vosges 19Fi002C

Terrain non rocheux

Dans certains ouvrages secondaires, on s’est contenté d’escarpes et de contrescarpes en terre. La contrescarpe était aussi raide que le permettait le terrain, et l’escarpe toujours à 2/3, parce que, pouvant être atteinte par les projectiles, elle devait être à la pente que prennent les terres désagrégées.

Les fossés des forts plan en coupe d’un obstacle non revêtu.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

Au départ, dans certains ouvrages, on a revêtu, une des deux parois du fossé, et alors c’est la contrescarpe qui a été choisie, parce qu’elle échappe par sa position au tir en brèche et que, si l’on avait adopté la disposition inverse, il aurait été très difficile de défiler le sommet de l’escarpe, la crête couvrante se trouvant reportée à une grande distance par la pente du talus de contrescarpe.

L’Instruction de 1874 avait recommandé de revêtir également l’escarpe, mais par raison d’économie, on ne le fit pas systématiquement au début. Avant 1879, on ajouta dans la majorité des ouvrages qui en étaient dépourvus des murs détachés ou attachés au pied des talus primitifs. On les préférait, à cette époque, aux grilles, dont on ne trouve que de rares exemples. Les forts n’ayant pas reçu d’escarpe revêtue garderont une escarpe dite en terre coulante.

La contrescarpe

Le mur de contrescarpe mesure, d’après le rapport de 1874, sept mètres de hauteur. L’épaisseur du mur est calculée pour résister à la poussée des terres. Il peut être constitué d’un mur plein ou d’un mur en arceaux de décharge qui s’adapte mieux à la configuration du terrain.

Le fond de fossé

Le fond de fossé doit avoir une largeur d’un minimum de 12 mètres, elle sera réduite pour des raisons budgétaires dans certaines fortifications jugées à l’abri des assauts de l’infanterie à 10 ou 8 mètres. Mais cette dernière largeur n’assurait pas une sécurité absolue contre le franchissement au moyen de ponts volants.

L’escarpe

Défilement des escarpes

Quand l’escarpe était maçonnée, son couronnement devait être défilé des coups au 1/4 rasant la crête du glacis. On ne cherchait à réaliser ce défilement que dans le profil normal, les coups de même inclinaison qui, dans ces conditions, pouvaient atteindre le mur dans les profils obliques devant ricocher ou ne produisant que des dégradations de faible importance.

Pour obtenir cette protection, on était conduit :

  • Soit à augmenter la profondeur du fossé.
  • Soit à accroître le relief du glacis.
  • Soit à réduire la hauteur de l’escarpe.
  • Soit à diminuer la largeur du fossé
  • Soit enfin à rapprocher la crête du glacis du sommet de la contrescarpe.

Tous ces moyens pouvaient d’ailleurs être employés simultanément, mais pour des raisons d’ordre militaire ou économique, on a dû imposer des limites à ces diverses dispositions.

La profondeur du fossé ne pouvait que difficilement dépasser 8 mètres (raison d’économie). Le relief du glacis ne pouvait guère augmenter sans qu’il en fût de même de la crête de feu. La rapidité de tir des nouvelles pièces de flanquement, en rendant très difficile l’escalade, permit de réduire la hauteur de l’escarpe à 6 mètres quand elle était attachée, à 5 mètres quand elle était détachée (parce qu’alors, il n’y avait pas à craindre des éboulements de terre facilitant l’accès de la brèche).

Enfin la crête du glacis fut rapprochée du sommet de la contrescarpe par la suppression complète du chemin couvert ou son remplacement par un simple couloir de surveillance de 4m50 de largeur.

Mode de construction des escarpes :

Les escarpes pouvaient être détachées, demi détachées ou attachées.

1- L’escarpe détachée

Plan en coupe d’un mur d’escarpe détachée. VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

L’escarpe détachée est un mur de 5 à 7,5 mètres de hauteur et de 1 mètre d’épaisseur au sommet. Elle est généralement adossée aux terres sur une hauteur de 1m50, et en arrière se trouve un chemin de ronde permettant d’accéder à des créneaux percés dans le mur où peuvent défendre aux fusils les soldats. Ce système est économique, car le mur est moins épais que s’il avait eu des terres à soutenir. L’escarpe ainsi constituée offre, tant qu’elle est debout, le double obstacle de la montée et de la descente, on peut la défiler facilement en la rapprochant de la contrescarpe. En revanche elle est moins résistante, du fait de sa faible épaisseur et de l’absence de masse de terre pour amortir les vibrations produites par les bombardements. Enfin l’assaillant, après avoir franchi la brèche, peut se répandre à couvert au pied du talus et escalader le rempart.

2 – L’escarpe demi détachée

Les fossés des forts plan en coupe du mur d’escarpe demi détachée.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

L’escarpe demi détachée comprend un revêtement d’environ 4 mètres de hauteur surmonté, soit d’un mur crénelé, soit d’un mur à bahut avec gradins pour le tir. Ce système est principalement appliqué en terrain rocheux, la partie attachée du mur n’étant alors qu’un simple placage. Quand la partie détachée n’existe pas, on avait une escarpe à demi revêtement. On aménageait à son sommet une large berme plantée d’une haie vive formant obstacle à l’escalade.

3 – L’escarpe attachée

Les fossés des forts plan en coupe d’un mur d’escarpe attachée.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

L’escarpe attachée, c’est-à-dire adossée aux terres sur toute sa hauteur, est de 6 à 7,5 mètres. Elle est constituée par un mur plein ou à arceaux de décharge, surmonté d’un couronnement ou d’une tablette servant à écarter les eaux de pluie du parement. L’épaisseur du mur est calculée pour résister à la poussée des terres.

4 – L’escarpe attachée de faible hauteur ou à demi revêtement

Les fossés des forts plan en coupe d’un mur d’escarpe à demi revêtement.
VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

Dans quelques ouvrages, on trouve des escarpes attachées de faible hauteur, non surmontées de mur à bahut ou à créneaux. Elles sont dites à demi revêtement. Généralement, elles sont surmontées d’une large berme, souvenir du chemin de ronde précèdent, qui retient les petits éboulements du talus extérieur. Elle est plantée d’une haie vive qui augmente sans frais la valeur de l’obstacle.

L’escarpe attachée de faible hauteur du fort de la Mouche à Epinal, la berme est placée légèrement en arrière du couronnement. VAUBOURG Julie

5 – L’escarpe en terre coulante

L’escarpe en terre coulante est relativement rare avant 1885, on la retrouve aux forts de Longchamp et Dogneville à Epinal et dans de rares ouvrages. Cette escarpe est la plus économique, car elle n’a pas été revêtue. Le pente à 2/3 est protégée à son pied des assauts de l’infanterie par une grille défensive.

La crise de l’obus torpille prouvera que ce type de configuration limite les débris dans les fossés après un lourd bombardement, ce qui assure une meilleure défense depuis les casemates d’artillerie basses. Après 1885, les fossés des nouveaux ouvrages ne seront plus équipés systématiquement d’un mur d’escarpe ou de contrescarpe en maçonnerie ou en béton.

Après la crise de l’obus torpille, les nouveaux ouvrages et certains ouvrages modernisés verront leurs fossés améliorés pour les adapter aux nouveaux obus.

Les servitudes militaires

Elles comprennent, les abords de la fortification, jusqu’à la limite de bonne portée des armes. Elles sont, en principe, débarrassées de tout élément pouvant gêner les feux du défenseur ou cacher l’arrivée de l’assaillant. C’est dans ce but qu’ont été établies les prescriptions relatives aux servitudes militaires.

Les glacis

Plan en coupe d’un Glacis avant 1885. VAUBOURG Cédric d’après un cours de fortification

On sait que pour faire disparaître l’angle mort qui existe généralement, surtout quand l’escarpe est revêtue, aux approches même du fossé, et qui résulte de ce que les coups partants suivant la pente de la plongée, ne rencontrent le sol naturel à une certaine distance au delà de la contrescarpe. On établit un glacis battu par les feux du parapet.

Dans les ouvrages construits de 1874 à 1885, le glacis s’avance très près de la contrescarpe. Le parapet d’infanterie ou chemin couvert qui entoure le fossé est rétréci ou même supprimé en vue de la protection de l’escarpe.

Avant-chemin couvert et avant-glacis

En revanche, on place souvent un avant-chemin couvert pour compléter l’absence de parapet d’infanterie bordant le fossé ou pour donner des feux sur des pentes raides qui échappent aux vues des crêtes du fort.  A cet effet, le glacis ordinaire qui prenait le nom de glacis intérieur, est établi en partie de remblai. Sa création n’a d’ailleurs eu quelquefois pour objet que de fournir des terres pour les parapets. Il est généralement occupé par un réseau de fil de fer, à piquets en bois, défilé par la crête de l’avant-chemin couvert.

Le glacis extérieur, ou avant-glacis, qui précède ce dernier, est réglé, quand la pente du terrain le permet, de façon à être battu par la crête du parapet du fort.

Le fort du Mont-Verdun à Lyon et ses abords en 1887. VAUBOURG Cédric