La défense des fossés des forts en maçonnerie

Les caponnières

Les dessus de la caponnière double du fort de Bois l’Abbé à Epinal. VAUBOURG Cédric

Les fortifications polygonales sont protégées des assaillants par des fossés secs qui servent d’obstacle. Leur défense est assurée par des casemates d’artillerie basses placées en fond de fossé. Les caponnières font parties de ces casemates. Elles forment un bloc de défense accolé au mur d’escape, côté intérieur du fossé. Elles sont placées aux saillants des fortifications ou encore à la gorge des ouvrages afin d’assurer au mieux leur rôle de flanquement.

Les différents équipements qui composent une caponnière double

La descente à la caponnière

Généralement, on accède à la caponnière par une galerie de 2m de largeur et 2m50 de hauteur. Elle est couverte par une voûte en plein cintre de 80cm d’épaisseur surmontée d’au moins 3m de terre. Cette galerie, qui part de la rue du rempart ou d’un abri sous traverse, s’appelle descente de caponnière, en raison de la pente qu’on y trouve dans la majorité des cas. Cette pente est très rarement pourvue d’escaliers, car la caponnière, n’ayant pas d’autre accès, devait être armée de ses pièces d’artillerie par la descente.

En arrivant dans la caponnière, on trouvait, de part et d’autre de la descente, des locaux pour les munitions, les servants et le matériel.

La chambre de tir

Les différentes pièces de flanquement des caponnières des premiers forts se composent jusqu’en 1880, de canons à balles de 13mm et de canons de 4 ou de 5 De Reffye. Rapidement, elles seront remplacées par des canons revolver de 40mm et par des canons de 12 culasse. Le canon revolver d’un calibre de 40mm est une mitrailleuse pour le flanquement des fossés qui agit sur le personnel. Il peut agir seul, dans certains ouvrages, si la nature du fossé est peu propice à l’installation d’obstacles de franchissement résistants. Le plus souvent, il est accompagné d’un canon de 12 culasse, destiné à détruire les engins de franchissement et à disperser les éboulements ou les matériaux jetés dans le fossé par l’assaillant pour créer un couvert. Les deux pièces pouvaient être placées dans une chambre de tir commune, l’une à côté de l’autre ou être séparée dans deux petites chambres de tir par un piédroit de 1m d’épaisseur. La hauteur de la chambre est de 3m à 3m50 sous clef.

Le mur de masque, dans lequel sont percées les embrasures, est de 1m d’épaisseur. On peut trouver de part et d’autre de chaque embrasure, un ou deux créneaux verticaux de fusillade. Au-dessus, on trouve un évent coudé pour l’évacuation des fumées.

Le sol de la caponnière ne devait pas être trop haut, en raison de la nécessité de défiler les maçonneries de la casemate de flanquement de la même façon que l’escarpe, mais il ne devait pas être trop bas, car le tir des pièces aurait été gêné par les moindres éboulements ou par les matériaux jetés par l’ennemi. On le tenait à 0m75 environ au-dessus du fond de fossé, ce qui met le seuil des embrasures à 1m50 et les tourillons à 2m au-dessus du même niveau.

Chaque caponnière possède de une à trois chambres de tir en fonction du nombre de fossés à défendre avec une ou plusieurs pièces de flanquement. On appelle une caponnière simple, une casemate qui défend un fossé, quand elle est double, elle en surveille deux et quand elle est triple, elle en protège trois.

La galerie de tête

La partie du fossé contournant la caponnière échappe à l’action des pièces de flanquement. On la protège avec des feux d’infanterie au moyen d’une galerie de tête, formée d’une série de voûtes ayant leurs génératrices perpendiculaires à ce fossé, et supportant la poussée des voûtes principales. Le mur qui fermait en avant les chambres ainsi constituées, pouvait, de la sorte, recevoir une faible épaisseur facilitant l’organisation des créneaux dont il était percé.

L’Orillon – la Visière

La galerie de tête se prolongeait à chacune de ses extrémités par un massif de maçonnerie en forme de tour, de 2 à 3m d’épaisseur, qui protège le flanc voisin contre les coups d’écharpe ; c’est un orillon. S’il est impossible d’éviter les coups d’enfilade par une orientation convenable du fossé, on protège les embrasures contre ces coups en jetant entre l’orillon suffisamment allongé et l’escarpe une voûte surbaissée appelée visière.

Le fossé diamant

Nous avons vu que les embrasures ont leur seuil à 1m50 seulement au-dessus du fond du fossé. Pour éviter qu’on ne vienne les obstruer, et aussi que le tir des pièces ne soit pas gêné par les décombres provenant de l’éboulement du massif de terre surmontant la caponnière ou de la démolition des parties d’escarpe voisines, on créé autour de la caponnière un fossé diamant. Ce dernier, large d’au moins 4m devant les chambres à canon, et ayant son fond à 3m en contrebas des embrasures, est protégé sur le front par les créneaux de pied de la galerie de tête, et sur les flancs par d’autres créneaux qui correspondent à des galeries ménagées dans l’escarpe de chaque côté de la caponnière.

Le fossé de tête ou arrondi

La caponnière qui vient d’être décrite fait sur l’escarpe une saillie au moins égale à la largeur du fossé. Celui-ci doit donc la contourner, et cette partie de fossé est souvent rétrécie pour mieux défiler la galerie de tête, sans cependant descendre au-dessous de 8m. Comme les pièces de flanquement ne peuvent agir, et que d’autre part, le dessus au terrassement, d’au moins 3m d’épaisseur, qui recouvre la caponnière, arrive à peu près au niveau du sommet de la contrescarpe, on peut craindre que l’assaillant ne choisît cet emplacement pour le lancement de ponts volants. Aussi, on installe sur cette portion arrondie de la contrescarpe une grille de 2m de hauteur.

La Crête sur la caponnière

On trouve sur certaines caponnières des crêtes d’infanterie servant, soit comme postes de surveillance, soit pour donner des feux fichants dans les fossés.

Plan en coupe d’une caponnière double. VAUBOURG Cédric

La caponnière simple ou aileron

Une caponnière simple est exactement semblable à la partie d’une caponnière double, placée d’un seul côté de la descente.

Les petites caponnières

Dans certains ouvrages secondaires ou en montagne, on s’est contenté parfois du flanquement des fossés soit par un canon révolver soit uniquement par le fusil. Ils sont protégés au moyen de petites caponnières comprenant seulement une voûte de 3m50 à 4m de portée se retournant suivant la ou les deux directions à battre. Des créneaux étaient percés dans le mur de masque et dans le piédroit extérieur qui, formant culée, avait une grande épaisseur.

Après la crise de l’obus torpille, les caponnières seront remplacées dans certains forts du nord-est de la France par des coffres de contrescarpe en béton spécial ou en béton armé. Mais, dans certaines fortifications, les caponnières seront conservées et renforcées avec du béton spécial ou béton armé dans les parties les moins exposées de l’ouvrage.

A partir de 1907, les caponnières des ouvrages du nord-est de la France seront équipées, pour assurer l’éclairage des fossés de nuit, de projecteurs oxyacétyléniques ou, dans de rares forts très modernisés, de projecteurs électriques à lampe à arc.

Les coffres de contrescarpe
Une chambre de tir du coffre double de contrescarpe de la batterie Sud du fort de Villey le Sec à Toul VAUBOURG Cédric

Les coffres de contrescarpe sont des casemates d’artillerie basses qui défendent aussi le fossé depuis les saillants des ouvrages. Ils possèdent comme les caponnières une ou plusieurs chambres de tir, en fonction du nombre de fossés à défendre. Contrairement aux caponnières qui dépassent dans le fossé, les coffres sont intégrées aux murs de contrescarpe, ce qui les rend moins vulnérables. Ils peuvent être isolés ou reliés au fort par un passage qui passe sous le fossé.

Un fossé diamant est creusé devant la façade du coffre, il sert à arrêter les assauts de l’infanterie. Mais aussi à recevoir les débris en cas de bombardements, ce qui évite de boucher les créneaux de tirs.

Jusqu’en 1885, on n’a fait en France qu’un emploi restreint des coffres de contrescarpe, auxquels on reprochait d’être facilement attaquables par la mine et exigeait des dispositions compliquées pour leur communication avec l’intérieur de l’ouvrage. On les a cependant admis lorsque l’angle aigu des directions à flanquer eût rendu difficile l’installation d’une caponnière, ou lorsque la pente trop raide du terrain eu conduit pour couvrir cette caponnière, à faire la contrescarpe de l’arrondi en remblai.

Les ouvrages qui possèdent des coffres de contrescarpe avant 1885 :

  • La batterie de l’Eperon à Frouard mais son coffre double sera bétonné après 1885.
  • La batterie sud du fort de Villey le Sec à Toul.
  • Le fort des Basses Perches à Belfort.
  • La batterie de l’Yvette à Paris.
  • La batterie de Rolland à Besançon.
  • Le fort du Cognelot à Langres.
  • Le fort de Montfaucon à Besançon.
  • Le fort du Saint Eynard à Grenoble

Les coffres d’escarpe

Le coffre double d’escarpe au fort du Cognelot à Langres. VAUBOURG Julie

Les coffres d’escarpe sont des casemates d’artillerie basses qui défendent le fossé. Ils sont construits dans le même principe que les coffres de contrescarpe, sauf qu’ils sont édifiés sur le mur d’escarpe, mur du fossé côté intérieur de l’ouvrage. Ces casemates ne pouvant pas s’adapter facilement à la configuration de la forme des ouvrages, sont principalement placées dans les fortifications pour défendre le fossé de gorge.

Leur armement est identique à celui des caponnières et des coffres de contrescarpe. Il se compose d’une ou de deux pièces de flanquement par fossé.

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