L’éclairage des fossés des fortifications Séré de Rivières

Les fortifications Séré de Rivières. Le problème du tir de nuit. (Par Jean-Pierre ZEDET)

Vers 1905 la possibilité d’attaques de nuit des forts est envisageable. Il faut donc pouvoir éclairer le fossé pour contrer toute tentative de franchissement du fossé.

Le 8 mai 1907, le Ministre de la Guerre signale au Général de Division, Président du Comité technique du Génie, l’envoi de deux rapports des commissions chargées des expériences sur l’éclairage des fossés par des lanternes-phares à Verdun et Toul, suite à la dépêche du 7 septembre 1906. Il demande leur examen par une délégation des Services techniques de l’Artillerie et du Génie. Il précise que les études et expériences à poursuivre seront de la compétence du Génie.

Une commission du Génie est chargée d’essais aux forts de Pont Saint-Vincent et de Villey le Sec. Elle envoie son rapport le 31 juillet. Le 21 aout 1907, le Ministre, sans préjuger de la décision définitive à venir, pense que l’on peut dès maintenant établir une note provisoire destinée à guider les services qui construisent des coffres de contrescarpe..

Le 13 septembre le Ministre confirme que les essais en cours donnent des résultats satisfaisants avec l’éclairage oxyacétylénique. Il informe le Général commandant le 6e Corps d’Armée, à Châlons sur Marne, qu’il faut donc prévoir dès maintenant l’installation des lanternes dans les coffres en construction. Si des modifications ultérieures interviennent, elles seront moins coûteuses à effectuer que si rien n’avait été prévu.

On trouve une notice du 19 septembre 1907 qui confirme l’éclairage des fossés par lampes oxyacétyléniques.

L’Instruction du 20 janvier 1909, complétée par la note du 23 septembre de la même année, annule cette notice et précise les modalités d’installation. Si les forts sont dotés d’une centrale électrique, la lampe oxyacétylénique sera remplacée par un projecteur électrique de même forme contenant une lampe Benard. Une deuxième annexe à l’instruction de 1909, du 25 juin 1913 définit le remplacement du bâton de chaux, sensible aux vibrations des tirs du canon de 12 Culasse, par une pastille de terres rares sur support en bronze.

L’utilisation de l’acétylène était déjà réalisée en télégraphie optique pour remplacer les lampes à pétrole.

La portée du faisceau est augmentée de 1,5 fois entre les deux sources lumineuses. L’électricité donne des résultats semblables à l’acétylène, mais son utilisation est plus souple et surtout moins dangereuse que le gaz qui impose de grandes précautions. Dans les héliographes de la télégraphie optique, l’utilisation de l’acétylène seul suffit pour avoir un faisceau lumineux remplaçant avantageusement celui du pétrole. Mais pour l’éclairage des fossés sur 10 mètres de large et au moins 250 mètres de long, il faut plus d’énergie. La solution consiste à utiliser la flamme, très calorique, d’un chalumeau oxyacétylénique pour chauffer un crayon de chaux, lequel émet une lumière intense.

Il est décidé que le Génie procédera à l’installation de projecteurs dans les coffres de contrescarpe et les caponnières, même non renforcées, des forts des places de première ligne. On en trouve donc dans les quatre places de l’Est et les forts de rideau, rien à Paris, Lyon, Dijon, etc.

Organisation de l’installation

Le gazogène

Le gaz acétylène est produit à partir de la réaction de l’eau sur le carbure de calcium dans un gazogène, selon la réaction : CaC2 + 2 H2O → C2H2 + Ca(OH)2,  puis il estpuis stocké dans un gazomètre.

Eclairage des fossés gazomètre et gazogène

Il existait des appareils portables pour la télégraphie optique et des appareils de forteresse. On utilisera ces derniers pour l’éclairage des fossés.

Ci -dessus un exemplaire récupéré au fort de Giromagny, Place de Belfort. (coll. particulière)

Le Génie utilise du matériel civil existant. Le gazogène est du type Minimus fourni par la Société Duroy, inventeur. Il ne subsiste plus grand-chose dans les forts Séré de Rivières.

Une publicité du constructeur, dans le Journal de débats politiques d’avril 1898

Détail du gazogène Minimus de forteresse :

Les réservoirs sont en cuivre, les tuyaux en laiton, la cuve à carbure en fonte et les pieds en fer. C’est un appareil très peu encombrant

Le gaz est produit en continu et son débit est réglé par le robinet d’eau. Un tube de sureté joue le rôle de joint hydraulique de sécurité en cas de surproduction, particularité du gazogène Minimus. Le gaz est ensuite envoyé au gazomètre à double cloche qui sert à le stocker et à réguler son débit.

Le tube d’oxygène comprimé

La réserve générale du fort de Bessoncourt à Belfort. VAUBOURG Cédric

L’oxygène est fourni en général en bouteilles (appelées tubes par le Génie) de 7000 litres sous la pression de 150 kg (unité d’époque), pesant 70 kg et mesurant 200 mm de diamètre sur 2 m de haut. Il n’y a pas de précaution particulière à adopter et la bouteille est placée verticalement dans un angle de la casemate où se trouve la lampe. Un collier métallique la maintient pour empêcher une chute qui pourrait poser problème. Quelques forts recevront des bouteilles d’oxygène de 3 m3, une pour le service courant et 9 pour celui de réserve selon l’annexe du 23 septembre 1909.

L’usine à acétylène

Au fort du Mont Vaudois, placée dans la galerie de fusillade des caponnières. Jean-Pierre Zedet
Une des deux usines à acétylène du coffre double de contrescarpe au fort d’Uxegney à Epinal équipée d’un générateur et d’un tube à oxygène. VAUBOURG Cédric

Compte tenu des dangers lors de l’utilisation de gaz, les services du Génie prennent des précautions. Si la bouteille d’oxygène comprimé peut être placée dans la casemate au plus prés de la lampe sans gêner ni cette dernière, ni le service des pièces, il en va autrement des 2 appareils à acétylène.

Un local spécifique, d’au moins 0,85 m de large, doit en être éloigné autant que faire se peut, mais pas trop. On utilise dans les forts déjà construits une niche à munitions existante, l’extrémité d’une galerie de tête de caponnière, une sortie sur le parapet d’infanterie coupée en deux, etc. De simples cloisons en brique et une porte en bois constituent alors l’usine à acétylène.

Un toit la protège des infiltrations. Sur le linteau de la porte est souvent inscrite l’affectation de ce local.

Ce local doit être suffisamment aéré et l’on prévoit un conduit d’évacuation du gaz en cas de surpression, si nécessaire. Dans les forts en construction on préconise un tuyau de 10 cm de diamètre.

L’inconvénient de ces aménagements est le risque de gel de l’eau dans les appareils. En prévention, on ajoutera 30% de glycérine et 15% de chlorure de calcium neutre dans l’eau. Les canalisations seront entourées de paille et chiffons si risque de gel.

On prévoit, à l’écart, deux locaux secs pour y stocker les réserves de tubes d’oxygène et de carbure de calcium. Ce dernier est livré en barils métalliques étanches de 25 kg.

Sceau étanche à carbure.
Dessin Jean-Pierre ZEDET

Chaque caponnière ou coffre est doté de 5 seaux étanches (ci-contre) pour sa consommation journalière, à remplir à l’extérieur à l’abri de l’humidité. Le baril sera transféré en une seule fois dans les cinq seaux. On peut humidifier le carbure avec du pétrole pour le protéger de l’humidité de l’air. Le gaz issu de l’usine est transporté vers la lampe par des canalisations fixes en plomb, de 10 mm de diamètre et 2 mm d’épaisseur type gaz d’éclairage, terminée à chaque extrémité par un robinet cuivre à téton. Les portions horizontales doivent présenter une certaine pente pour éviter la condensation. Avant d’arriver à la lampe on trouve le joint hydraulique anti-retour pour protéger l’installation.

Plan en coupe du joint hydraulique.
Jean-Pierre ZEDET

Les canalisations d’arrivée au chalumeau sont en tubes métalliques flexibles ou en caoutchouc pur para (issu de l’hévéa). Si l’on trouve des traces des usines dans certains forts, le matériel a évidemment disparu. Je ne connais que trois gazogènes, tous chez des collectionneurs particuliers. Quand aux gazomètres, issus de modèles civils, aucun exemplaire d’époque ne m’est connu.

La lanterne

Cage de la lanterne oxyacétylénique. Restitution 3D (© Jean-Pierre ZEDET)

Que ce soit avec le gaz ou avec l’électricité, elle se présente identiquement.

On trouve une cage de section carrée en tôle d’acier de 1,0 mm d’épaisseur et de 370 mm de coté. Sa profondeur est de 350 mm. Elle comporte une porte vers l’intérieur de la casemate et est ouverte coté l’embrasure. Les tôles sont fixées sur des cornières (rivées ?)

La porte arrière supporte un dispositif qui sert à la fois à maintenir un miroir en maillechort poli (distance focale 185 mm) et à le déplacer pour amener le point lumineux au foyer du miroir. Ce foyer lumineux est obtenu par une lampe à arc si le fort a l’électricité et le plus souvent par un chalumeau oxyacétylénique.

Les deux portes latérales peuvent s’ouvrir pour les réglages. Elles ont toutes deux un portillon support d’une vitre noircie pour surveiller le foyer.

Sur la face supérieure on trouve une poignée et un fumivore ; sur la face inférieure une plaque pour y fixer le chalumeau et le support du bâton de chaux.

L’extérieur est peint en noir et l’intérieur en blanc.

Une copie de projecteur oxyacétylénique dans le coffre de contrescarpe du fort de Villey le Sec à Toul. VAUBOURG Julie

Lampe à arc Bénard

Les premiers essais d’éclairage électrique des fossés sont réalisés en 1903, au Fort du Mont-Valérien et à celui de Saint-Cyr à Paris grâce à des machines photo-électrique.  Après des essais satisfaisants, ils se poursuivront en 1905, au fort de Pont Saint-Vincent dans la trouée de Charmes un des rares ouvrages électrifiés à cette période.
La lampe Bénard utilisée par le Génie pour ces expériences, est une lampe à arc automatique du commerce, mise au point par le constructeur et vendue par Bidault concessionnaire, 11 boulevard Montmartre à Paris. Elle est adoptée suite aux expériences positives au fort de Pont Saint-Vincent.

Elle est composée de 5 plateaux P, P1, P2, P3 et P4.

Elévation lampe Bernard. Jean-Pierre ZEDET
Détail du mécanisme de l’électro-aimant.
Jean-Pierre ZEDET

Le plateau P1, qui comporte les bornes d’arrivée du courant A et D supporte le plateau P par l’intermédiaire de 2 tiges T. sur ce dernier plateau est fixée une carcasse en fer sur laquelle est enroulé un fil de cuivre formant bobine B. a l’intérieur, une tige en acier doux N supporte l’anode C qui peut coulisser dessus.

Les tiges T1 soutiennent le plateau P2 et les tiges T2, isolées électriquement du reste de la lampe soutiennent le plateau P4. La cathode C1 est fixée sur ce plateau. Le plateau P3 peut coulisser le long des tiges T2.

La borne A est reliée, via la résistance U à la bobine puis par la masse métallique de la lampe et N à l’anode.

Un fil V relie T2 et la cathode.

A l’admission du courant l’électro-aimant B-N fait remonter la cathode, jusque là en contact avec l’anode. Son mouvement est amorti par le piston en porcelaine I fixé par le collier M et entrant dans G. L’arc se crée. Dans le même temps le levier KH, fixé sur le collier J, pivote en O et bloque le charbon positif grâce à l’échancrure pratiquée dans le noyau N. Les électrodes ainsi écartées, un arc se crée. Si cet arc s’allonge, l’intensité dans B diminue, le champ magnétique aussi, N redescend avec l’anode libérée complètement quand le couteau H cesse son action de frein. Pour régler la lampe, on monte ou descend la tige L et on la bloque par une vis.

Lorsque le charbon négatif est usé, l’extinction de la lampe est automatique. Le charbon C est alors arrêté dans sa descente par deux cliquets mobiles Q portés par la tige T1.

L’arc est créé en vase clos, dans une ampoule en cristal blanc maintenue entre P3 et P4.

Cette lampe peut être utilisée avec une source de courant continu, entre 75 et 80 volts et même 100 volts en jouant sur la résistance U. Au-delà de 100 V, on intercale une résistance auxiliaire.

Si l’on dispose de courant alternatif, on supprime U et au-delà de 85 volts on doit utiliser une bobine de self-induction.

Lampe électrique pour l’éclairage des fossés vue de face. Jean-Pierre ZEDET

La lampe Bénard fonctionne normalement sous 85 V et consomme 5 Ampères. La cage est la même qu’avec l’acétylène.

Sur le plan ci-dussus, on voit l’encombrement important de la lanterne équipée de la lampe à arc. Nul doute que son installation souhaitée au plus haut de la casemate pose des problèmes, mais largement compensés en terme de sécurité, de simplicité d’installation par rapport à l’éclairage oxyacétylénique.

Autre avantage, les charbons ont une durée de vie supérieure au bâton de chaux, d’où des interventions moins fréquentes.

Eclairage des fossés réglage de la distance focale du réflecteur. Jean-Pierre ZEDET

Remplacement du bâton de chaux. Lampe à acétylène

Dans l’annexe n° 2 du 25 juin 1913, il est dit que la conservation des bâtons de chaux d’une part, et surtout leur résistance aux vibrations induites par les tirs du canon de 12 Culasse ont alerté les services du Génie. Une commission d’études de ce service a été sollicitée pour vérifier ces craintes et proposer le remplacement de la chaux par des terres rares.

En  conséquence, un appareillage en bronze prendra la place du bâton de chaux. Il sera placé sur le support du bâton, débarrassé du clou qui le maintient. La décision ministérielle est signée le 8 mai 1913.

La pastille de terres rares de 20 mm de diamètre et autant d’épaisseur, est composée de sels de thorium et de cérium.

Vue 3D du support en bronze pour pastille de terre rares pour chalumeau d’éclairage des fossés
Jean-Pierre ZEDET

Je me posais la question de la couleur de ces pastilles pour la restitution 3D jointe (à l’origine en couleur). Faute de détails complémentaires sur cette composition, un correspondant (Jan Hamier, de Montréal) pense que la pastille serait réalisable en moulant de l’acétate de magnésium dopé avec le mélange de sels de thorium et de cérium, qui va cuire en une céramique dure et réfractaire, moins cassante que la chaux. La couleur probable serait blanc cassé, car les oxydes de la plupart des terre rares (et des alcalino-terreux) sont blancs, voire légèrement jaunâtres.

Après essais, la Commission conclut à la nette supériorité des pastilles concernant, la résistance aux vibrations, la facilité de conservation, la commodité d’emploi et la durée de fonctionnement. L’intensité lumineuse est équivalente.

Pour l’utilisation, après avoir pincé la pastille entre les deux pinces, on appuie sur l’inférieure pour l’écarter de la flamme lors de l’allumage du chalumeau. On laisse ensuite revenir les pinces doucement sous l’action du ressort. La flamme doit se situer au 1/3 inférieur de la pastille et à 3 mm de sa face. Si un cratère se produit on fait tourner la pastille sur elle-même pour présenter une zone intacte. Pour l’extinction on éloigne la pastille.

Des embrasures

Embrasure du créneau à lampe d’éclairage des fossés au fort de Razimont à Epinal. Jean-Pierre ZEDET

Dans la notice du 20 janvier 1909 sont données les dimensions intérieures, soit 25 cm x 25 cm de coté. Les cotés extérieurs ne devront pas être de plus de 40 cm chacun.

L’embrasure devra se placer le plus haut possible dans la casemate. Le faisceau lumineux ne doit pas éclairer le mur ou la grille d’escarpe, et s’en situer à 0,5 à 1,00 m. il ne doit pas éclairer la crête de la contrescarpe et le chemin couvert. Le linteau et la joue coté escarpe seront placés en conséquence. Le faisceau doit par contre illuminer le fond du fossé et la contrescarpe. Le seuil et l’autre joue seront tracés dans ce but.

Un volet en acier dur de 10 mm d’épaisseur minimale fermera l’embrasure hors utilisation. Il coulissera, soit verticalement, soit horizontalement dans de solides cornières.

La première annexe du 25 septembre 1909, ajoute que l’emplacement des embrasures ne doit pas gêner le service des canons (en principe le canon-revolver) et qu’on peut admettre une dérogation aux principes énoncés plus haut, si l’on est amené à des percements trop considérables dans les forts existants. Il y aurait eu des hésitations (sic) dans certaines chefferies.

Embrasure du créneau à lampe d’éclairage des fossés au fort de Rupt Haute Moselle. Jean-Pierre ZEDET

Dans la deuxième annexe du 25 septembre 1913 on précise le désidérata suite aux expériences de la Commission technique du Génie visant au remplacement des bâtons de chaux par des pastilles de terres rares, sujet évoqué par ailleurs. Bien réglés, les appareils actuels permettent d’éclairer un fossé de 10 m de large sur 200 m de long. On peut atteindre 250 m, en recouvrant le linteau et la joue coté escarpe des embrasures de carrelage vernissé blanc ou en les ripolinant de même teinte. Au moment du besoin, on peindra la contrescarpe à la chaux et l’on répandra du plâtre ou de la chaux sur le fond du fossé que l’on souhaite éclairer.

Pour les ouvrages à construire les cotés intérieurs passeront à 30 cm et 40 cm à l’extérieur et si le mur est plus épais, les dimensions augmenteront en proportion. On devra modifier les ouvertures existantes en conséquence.

Il est nécessaire d’établir, si possible, des créneaux de surveillance aussi éloignées que l’on peut des embrasures et de munir de jumelle l’organe de flanquement. On rajoute que si le fossé est plus large, le support de la lampe sera aménagé pour son déplacement horizontal.

État du matériel entrant dans la composition d’une caponnière ou d’un coffre de contrescarpe

 Outillage – Service de réserveRechanges et approvisionnements d’objets de consommation
 Service courantService de réserve
Éclairage oxyacétylénique2 miroirs en maillechort1 tube d’oxygène comprimé (de 2m de haut et de 7000 l)5 tubes d’oxygène
1 cage de lampe3 tuyaux en caoutchouc3 tuyaux en caoutchouc
1 chalumeau25 kg de carbure de calcium (en fûts de 25 kg)75 kg de carbure de calcium (en fûts de 25 kg)
1 joint hydraulique5 bâtons de chaux (en tubes scellés)75 bâtons de chaux (en tubes scellés)
1 support de bâton de chaux1 verre noir pour cage de lampe2 verres noirs
1 appareil d’éclairage à acétylène  
Éclairage électrique2 miroirs en maillechort1 ampoule en verre clair1 ampoule en verre clair
1 cage de lampe5 paires de crayons de charbon pour lampes électriques25 paires de crayons de charbon
1 coupe-circuit de 10 ampères0.010 kg de plomb fusible (pour 10 ampères)0.050 kg de plomb fusible (pour 10 ampères)
1 interrupteur de 10 ampères1 verre noir pour cage de lampe2 verres noirs
1 lampe à arc de 5 ampères  
Nota : les miroirs doivent être conservés dans un endroit sec, enveloppés de papier. S’ils sont ternis les nettoyer avec une pate genre brillant belge ou similaire.

Un exemple de projet d’installation

Dans un dossier du SHD, en date des 24 et 25 mars 1910, on trouve les plans pour la mise en place de projecteurs oxyacétyléniques au fort de La Mouche (Place d’Épinal) ; et plus particulièrement au saillant 1-4.

Eclairage des fossés plan (vue de dessus) de mise en place de projecteurs oxyacétyléniques au fort de La Mouche à Epinal.
Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés coupe transversale de la mise en place de projecteurs oxyacétyléniques au fort de La Mouche à Epinal. Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés coupe longitudinale de la mise en place de projecteurs oxyacétyléniques au fort de La Mouche à Epinal. Jean-Pierre ZEDET

L’usine à acétylène est placée dans un local au coin de la casemate d’infanterie. Deux cloisons en brique et une porte en bois isolent le gazogène et le gazomètre. Le mur de façade est percé en partie haute pour laisser passer le tuyau d’évacuation du gaz en surproduction.

Il a fallu percer le piédroit vers la casemate du canon-revolver pour y placer un escalier desservant l’embrasure de la lampe. On a creusé l’emplacement de la bouteille d’oxygène, maintenue par un collier métallique. Le joint hydraulique anti-retour est fixé au mur.

La lampe est placée sur un plateau en chêne contre la paroi, où est percée une embrasure de 25×25 cm. Cette embrasure qui s’évase vers l’extérieur est peinte en blanc au Ripolin. Lorsque la lampe n’a pas à être utilisée, un volet métallique de 8 mm d’épaisseur coulisse et occulte l’embrasure.

Au dessus de la lampe un tuyau de diamètre 10 cm en évacue les fumées.

Restitution de l’installation au fort de La Mouche :

Eclairage des fossés embrasure au fort de la Mouche à Epinal Vue 3D Jean-Pierre ZEDET
  • 1 Glissières métalliques
  • 2 Volet obturateur
  • 3 Plateau en bois
  • 4 Tés support
  • 5 Embrasure peinte
Eclairage des fossés embrasure avec lampe au fort de la Mouche à Epinal Vue 3D Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés embrasure avec lampe au fort de la Mouche à Epinal Vue 3D Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés embrasure avec lampe ouverte au fort de la Mouche à Epinal Vue 3D Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés embrasure avec lampe ouverte au fort de la Mouche à Epinal Vue 3D
Jean-Pierre ZEDET

On peut remarquer que les cornières de fixation de la lampe, telles que sur les plans, ne sont pas au niveau des glissières hautes et basses. Il en serait de même avec un volet à translation verticale. Pas d’autres explications

NOTA. Dans la Revue du Génie de 1904 on trouve des précisions sur la lampe Benard.

« Au point de vue du rendement lumineux, ce qui semble donner la supériorité à cette lampe sur les arcs ordinaires provient surtout de ce que la lumière est émise par l’arc lui-même, au lieu d’être due à l’éclat du cratère du charbon positif, cratère plus ou moins masqué par le crayon négatif.

Sous 5 A, le pouvoir éclairant est de 900 bougies, la hauteur totale des charbons de 58 mm et leur durée de vie de 75 heures. Le prix pour la version 110 V est de 75 F. »

La bougie de l’époque est basée, soit sur la bougie de l’Étoile (Société parisienne, sise vers la barrière de l’étoile) dont l’équivalence en candela est d’environ 1,3 ou soit sur la bougie décimale (choisie à Paris le 21 mai 1889 par le Congrès Électrique International) valant 1,0085 candela. On peut calculer approximativement l’équivalence en lumen, unité plus moderne.

900x~12=10800 lm et compte tenu de la puissance fournie 25 lm/W, à comparer à une ampoule à incandescence moderne de 60 W qui émet 1000 lm et a un rendement de 13,3 lm/W. Tous ces chiffres sont approchés, voir un bon cours de physique pour tenter une meilleure approche. Quand au rendement de l’éclairage au gaz je n’ai rien trouvé.

Retour sur le joint hydraulique.

Eclairage des fossés reconstitution 3D du joint hydraulique 
Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés reconstitution 3D du joint hydraulique
Jean-Pierre ZEDET

Une visite au fort de Razimont permet de voir dans les caponnières les restes des consoles sur lesquelles étaient installés les joints hydrauliques. Plus haut un simple dessin non coté que l’on trouve sur des documents d’époque représente le joint hydraulique. Partant de ce dessin et des dimensions de la planchette, j’ai tenté une restitution de cet organe aujourd’hui disparu. Grâce à un logiciel de CAO, on le voit en réalité virtuelle

Eclairage des fossés Le support du joint hydraulique dans l'aileron 5 du fort de Razimont à Epinal. 
Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés Le support du joint hydraulique dans l’aileron 5 du fort de Razimont à Epinal.
Jean-Pierre ZEDET

Le joint hydraulique

Pour l’installation du joint, seule subsiste la planchette au mur, avec le verrou qui fixe l’équerre supérieure du couvercle. Les dimensions sont de 120 mm de large sur 380 mm de haut et 16 mm d’épaisseur. A partir de là, j’ai entrepris une restitution en 3D pour faire revivre cet accessoire méconnu. La fixation inférieure ayant disparu, j’en étais réduit à des suppositions, jusqu’à ce qu’un membre de l’ARFUPE me transmette ce second cliché où l’on voit la partie inférieure. Cet exemplaire provient d’un autre fort spinalien ; il est peint en gris. A Razimont, on ne trouve pas trace de peinture.

Eclairage des fossés Support du joint hydraulique du fort de Razimont à Epinal. Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés Support du joint hydraulique du fort de Razimont à Epinal. Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés.  Support du joint hydraulique d'un autre fort de place d'Epinal. Tous droits réservés
Eclairage des fossés. Support du joint hydraulique d’un autre fort de place d’Epinal. Tous droits réservés
Eclairage des fossés. Vue 3D du support de joint hydraulique 
Dessin Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés. Vue 3D du support de joint hydraulique
Dessin Jean-Pierre ZEDET

Les dimensions du joint hydraulique sont donc déduites de l’emplacement où il est placé, d’une part la ceinture métallique inférieure, dont on a les traces mesurables, d’autre part le loquet existant qui verrouille l’équerre fixée sur le couvercle du réservoir.

Le diamètre fait 50 mm avec une bonne certitude et la hauteur du récipient au sommet du couvercle est estimée à 150 mm environ, 234 mm en tenant compte du carter d’arrivée du gaz. Avec le tube de remplissage on arrive à 330 mm environ. Pour le couvercle, j’ai extrapolé à partir du croquis, en supposant qu’il est vissé sur le réservoir et que pour ce faire quatre bossages percés d’un trou cylindrique servent à le manœuvrer. Le tube de remplissage est présumé en laiton, de même que les robinets gaz et eau.

Eclairage des fossés Dimensions approchées du joint Hydraulique Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés Dimensions approchées du joint Hydraulique Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés Coupe du réservoir en eau du joint hydraulique Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés Coupe du réservoir en eau du joint hydraulique Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés Vue de face du joint hydraulique Jean-Pierre ZEDET
Eclairage des fossés Vue de face du joint hydraulique Jean-Pierre ZEDET

Si vous en rencontrez un par hasard, ces clichés vous permettront de reconnaitre cet accessoire à priori disparu.

Un canon révolver de 40 mm et la lampe oxyacétylénique dans un coffre de contrescarpe au fort du Vézelois à Belfort Lionel PRACHT
Un canon révolver de 40 mm et la lampe oxyacétylénique dans un coffre de contrescarpe au fort du Vézelois à Belfort Lionel PRACHT

Sources et remerciements L’essentiel des documents consultés proviennent du SHD Vincennes. Je remercie vivement Cédric et Julie Vaubourg de me les avoir transmis. Gallica ou le site CNUM m’ont permis de connaitre le contexte de l’époque. Mes remerciements aux personnes suivantes qui m’ont aidé au mieux, Noël Bardot, Régis Berger, Jan Hamier, Patrick Lacour, Luc Malchair, Jean-Christian Pereira, Lionel Pracht, Bruno Rolle