L’intendance dans les forts

Le fourneau François Vaillant de la troupe au fort du Paillet à Lyon. VAUBOURG Julie

La cuisine et les magasins aux subsistances

La cuisine du fort du Paillet à Lyon et son plan de travail. VAUBOURG Cédric

L’alimentation est très importante dans la vie d’un soldat surtout en période de combat, dans des ouvrages qui peuvent se retrouver isolés. Pour cela, les repas de la garnison sont préparés dans une ou plusieurs cuisines, qui se situent dans les casernements des fortifications. Elles étaient équipées d’un évier, d’un plan de travail, d’une cafetière et d’un ou de plusieurs appareils de cuisson. Les cuisines se trouvent généralement à proximité des magasins aux subsistances qui devaient assurer un stock de provisions pour la garnison pour un siège de trois à six mois.

Dans ces magasins, on y trouvait essentiellement de la farine stockée en sacs de 50 kg pour les ouvrages équipés de boulangerie, des légumes secs (haricots, pois cassés, lentilles) en sacs de 80 kg, du sucre raffiné en caisses de 185 kg, des biscuits de guerre en caisses de 50 kg et du riz en sacs de 60 kg. Toutes ces rations devaient être entreposées hors-sol à l’abri de l’humidité. Elles étaient souvent gardées des rongeurs par un matou qui servait aussi de mascotte à l’ouvrage. En plus de ces denrées, on y trouvait des salaisons de viande, du lard stocké en barils et des boites de singe. Le vin, l’huile et l’eau-de-vie étaient stockés en barils.

Les fourneaux de cuisine

La taille des fourneaux de cuisine varie en fonction du nombre d’hommes à nourrir. On estime à cette période la ration d’un soldat à un litre d’aliments par jour. Les premiers fourneaux de cuisine installés dans les fortifications de 1874 étaient certainement des modèles Choumara. Ils étaient construits en briques et possédaient de 2 à 4 marmites en fonte de 75 ou 100 litres qui permettaient de chauffer les aliments pour 70 ou 95 hommes par marmite. Mais, ces fourneaux se détérioraient rapidement et ne permettaient pas de varier les aliments car ils chauffaient uniquement de la soupe ou des ragouts.

Afin de diversifier la nourriture des soldats, ces fourneaux seront remplacés à partir de 1879, par des modèles en fonte de marque François Vaillant, plus mobiles et moins coûteux en entretien.

L’appareil François-Vaillant est fabriqué à Vadonville dans la Meuse. Il se compose de deux foyers entre lesquels se trouve une bouillotte à eau chaude pour le café et le lavage des ustensiles. Sur les foyers se trouvent des marmites doubles en tôle d’acier pour la soupe et les ragoûts. Elles sont mobiles et peuvent être remplacées par des marmites-four en fonte renfermant une lèche-frite et un croisillon à six branches verticales pour soutenir les rôtis. En 1914, les ateliers François-Vaillant avaient produits des centaines de cuisinières réparties en cinq modèles de différentes tailles. Elles possédaient de deux à quatre marmites d’une capacité moyenne de 100 litres et de une à deux bouillottes pour l’eau chaude.

Le fourneau de cuisine Franois Vaillant du fort du Barbonnet Avancée de Nice. VAUBOURG Julie

La boulangerie ou manutention 

La boulangerie du fort de Bois l’Abbé à Epinal VAUBOURG Julie

Chaque fort possède une boulangerie pour produire son pain, sauf sur certains ouvrages de place où il y a parfois une boulangerie pour plusieurs forts, c’est le cas par exemple à Épinal pour le fort de Bois l’abbé qui ravitaillait en pain ceux de la Grande Haye et d’Uxegney.

La boulangerie se compose de deux parties, une manutention où était produit le pain et une paneterie où le pain était stocké pendant trois jours avant d’être consommé.

La manutention possède un ou plusieurs fours pour la cuisson du pain, dont la taille varie en fonction du nombre de soldats à nourrir. Il pouvait comporter un ou deux foyers, sa capacité se mesure en ration (2 rations correspondent à 1 pain). Les plus grosses manutentions possédaient des fours qui pouvaient atteindre une production de 380 rations de pain par jour.

Dans les fortifications de cette période, le four est construit en briques et le foyer en pierres réfractaires recouvertes d’une couche de sable, le tout fermé par une trappe en fonte. La cuisson du pain permettait très souvent de chauffer de l’eau pour les différents usages de la boulangerie.

Ces fours étaient fabriqués par plusieurs marques comme Guessot, Delacourt, Lamoureux, Lespinasse et bien d’autres encore. Aujourd’hui, la grande majorité des fours ont été vandalisés pour récupérer divers éléments, seuls quelques-uns d’entre eux sont encore en bon état.

Le four en tôle portatif 

Après la crise de l’obus torpille, les fours en briques dans les casernements en maçonnerie sont devenus vulnérables aux vibrations des bombardements. Ils peuvent être remplacés dans les places fortes par une boulangerie d’un ouvrage voisin ou par la manutention de la place. Mais dans les forts isolés, le pain ne peut pas provenir de l’extérieur. On équipe donc après 1890 une grande partie des forts d’arrêts ou de rideau de fours portatifs en tôle, modèle Lespinasse de 180 rations qui fonctionnent au bois ou au charbon. En 1914, certaines places fortes prévoyaient à la mobilisation, d’équiper leurs ouvrages de ce type de four.

L’emplacement du four à pain en tôle portatif dans la boulangerie du fort d’Arches à Epinal.
VAUBOURG Cédric

Aujourd’hui, il n’existe à notre connaissance plus de four portatif, mais leur emplacement dans certains ouvrages est bien visible.

Puits et citernes

Les puits et les différents points d’eau

L’alimentation en eau était assurée, pour six mois de siège, soit au moyen de puits, débouchant sous des voûtes à l’épreuve soit au moyen de citernes où l’on recueillait l’eau de pluie venant des chapes des locaux ou d’une source Rouby. Le débit d’eau était calculé en fonction des besoins pour la garnison. 5 litres d’eau par jour sont estimés pour un homme et 35 litres pour un cheval.

On appelait Source Rouby, une partie du glacis dont le sol, a été imperméabilisé par de l’argile damée ou par un dallage en ciment, qui était recouvert d’une couche de cailloux et de sable formant une sorte de filtre. Du point bas de la source Rouby, les eaux étaient dirigées vers les citernes.

Certains ouvrages importants étaient alimentés par des machines élévatoires qui y refoulaient les eaux de sources des alentours.

La pompe à eau du puits du fort de Feyzin à Lyon. VAUBOURG Cédric
Une des citernes du fort Saint-Michel à Toul. VAUBOURG Julie

Les citernes

Seule une petite poignée d’ouvrages possède une alimentation en eau journalière relativement importante qui ne nécessite pas de stocker de l’eau.

Dans les autres cas, il faut conserver l’eau dans des citernes pour approvisionner la garnison pendant six mois. Afin de conserver cette eau dans de bonnes conditions, on la filtre dans un laboratoire qui fonctionne avec du sable, du gravier et du charbon actif. Ensuite, elle est stockée avant 1885 dans des citernes maçonnées. Sauf au fort de la Grande Haye à Épinal et au fort de Liouville près de Commercy qui possèdent une citerne métallique.

Après 1885, les citernes en maçonnerie seront remplacées ou complétées dans les ouvrages modernes par des citernes en béton ou métalliques qui résistent mieux aux vibrations des bombardements.

Dans ces ouvrages, on trouve aussi des citerneaux métalliques utilisés essentiellement pour les besoins journaliers d’un lavoir ou d’un évier.

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